"Médiation L-Onirique" ou "Le rêve lucide amplifié"

Quelques mots à propos du tableau de Jules-Alexandre Grün, peintre, illustrateur et affichiste français (1868 – 1938) : « Fin du souper » (1913).
Cette scène riche et généreuse entre amis m'a inspiré un rêve lucide décrit dans le chapitre 25.

Dont voici un extrait :

« Il y eut une grande clarté, comme une vague de lumière faite de couleurs d'or et d'argent, portée par la mélodie et une extraordinaire onde d'énergie.
Une jeune femme souriante se tenait à l'entrée. Elle avait les joues rondes, semées de taches de rousseur, et portait une robe de satin ivoire au décolleté profond. Ses cheveux embaumaient d'une odeur de talc et retombaient en quelques boucles dorées sur une draperie de soie rouge posée sur ses épaules. Derrière elle, une dizaine d'autres personnes, des hommes et des femmes en tenue de soirée avaient interrompu leurs bavardages pour l'apercevoir.
Elle lui prit la main pour l'encourager à entrer.
Tandis qu'il marchait à ses côtés, Campan avait maintenant la certitude qu'il rêvait. Il était impressionné et ravi à la fois par un niveau de lucidité aussi élevé. « Quelle différence avec la réalité ? » s'interrogeait-il. Tous les moindres détails figuraient : une longue table recouverte d'une nappe épaisse à la bordure composée de fines dentelles, l'argenterie et la porcelaine, les candélabres de lumière, les costumes et les bijoux, les parfums enivrants… Il avait une conscience aiguë de sa propre présence, il ressentait l'énergie puissante de cette scène d'hyperréalité à travers l'émotion vivace qui l'habitait. La main de cette jeune femme était si douce et si délicate en comparaison de la sienne… Il réalisa dans le même temps qu'il portait un costume noir d'époque, agrémenté d'un plastron blanc impeccable. On le fit asseoir et tous vinrent près de lui, attirés par ce nouveau venu qu'ils semblaient parfaitement connaître. Campan se sentait différent. Il vit son visage de vieillard se refléter sur une théière argentée. Sa barbichette blanche lui donnait les allures d'un sage, dont les paroles tardaient à venir pour celles et ceux qui attendaient.
Une femme lui prit la main et l'invita à se lever. Il fut troublé par la douceur qui se dégageait d'elle. Ses yeux pâles lui rappelaient ceux de Daniela, sans qu'elle lui ressemblât vraiment car elle était plus âgée, avec une chevelure différente en forme de chignon. Ils se prirent l'un l'autre par la taille et commencèrent à tourner sur le parquet brillant au rythme de la musique entraînante. Il fut le premier surpris par la fluidité et l'assurance de ses mouvements, lui qui faisait un si piètre danseur d'ordinaire. Sa cavalière se ravissait d'une telle aisance en riant aux éclats. Mais son rire s'assourdissait et il lui sembla que ses traits s'effaçaient et se dissolvaient dans la lumière. Le décor autour de lui s'affadissait et la musique s'éteignait. Campan savait ce que cela signifiait : le rêve lui échappait et s'il voulait le maintenir il fallait le nourrir par une intention claire et amplifier le mouvement. Ils tournoyèrent de plus en plus vite, à la manière de deux amants ivres. Les sons et les couleurs se mélangeaient en une spirale folle qui perdait peu à peu de sa substance.
Tout finit par disparaître. »

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